Modules didactiques sur la grêle

Frappant régulièrement la Suisse en été, la grêle est l’événement naturel qui cause le plus de dégâts après les crues. Bien que les orages de grêle surviennent le plus souvent de façon localisée, ils occasionnent chaque année dans notre pays des dommages qui se chiffrent en millions. Généralement accompagnés de fortes précipitations, les orages de grêle causent des dommages aux bâtiments, aux infrastructures, aux véhicules, aux cultures agricoles et également aux personnes.

Video 1: «L’été des intempéries en Suisse»: des épisodes de grêle en été 2021 ont causé des dégâts considérables dans toute la Suisse. Vidéo extraite du 12h45 (1:29 minutes). ©RTS

Au cours de ces dernières années, les connaissances et la disponibilité des données sur la grêle en Suisse ont considérablement progressé. Le Laboratoire Mobilière de recherche sur les risques naturels à l’Université de Berne notamment a fait de la grêle un de ses principaux axes de recherche. Les modules didactiques destinés au degré secondaire II s’appuient sur l’état actuel (2023) des connaissances pratiques et scientifiques sur la grêle et peuvent être traités indépendamment les uns des autres.

Comment se forme la grêle

La grêle survient surtout durant le semestre d’été en même temps que les orages. Elle se forme lorsque de forts vents ascendants sont entraînés dans un cumulonimbus.

Comment se forment les orages

Une stratification potentiellement instable de l’atmosphère (changement de température avec l’altitude) est une condition importante à la formation d’orages. Une instabilité potentielle peut se produire lorsqu’une couche d’air chaud et humide est surmontée d’une couche d’air relativement froid et sec. Si la couche inférieure se soulève suffisamment, par exemple lorsqu’elle s’élève le long d’un relief, les masses d’air ascendant sont plus chaudes et donc moins denses que l’air ambiant. Les masses d’air chaud sont alors propulsées vers le haut.  En s’élevant, la couche d’air chaud et humide refroidit et la vapeur d’eau contenue dans l’air commence à se condenser. L’énergie thermique libérée pendant la condensation accélère le mouvement vertical des masses d’air, ce qui déclenche la convection. Dans les latitudes moyennes, les gros cumulonimbus peuvent atteindre jusqu’à 12 km d’altitude et les courants ascendants, des vitesses allant jusqu’à 150 km/h.

Formation de la grêle

En cas d’instabilité potentielle élevée dans l’atmosphère, la convection peut provoquer des orages accompagnés de puissants courants ascendants. Ces courants sont nécessaires pour que l’eau et les particules de glace restent suffisamment longtemps en suspension, permettant à la grêle de se former. Le processus de formation de la grêle est représenté sous forme de schéma dans la figure 2. Les masses d’air humide ascendant refroidissent et, à partir d’une certaine altitude, atteignent le point de condensation auquel la vapeur d’eau commence à se condenser et à former des gouttelettes d’eau (chiffre 1, fig. 2). Les courants ascendants transportent les gouttelettes vers le haut. Arrivées à une certaine altitude au-delà du point de congélation, à savoir à la limite de l’isotherme 0°C, une partie des gouttelettes ascendantes gèle et forme des cristaux de glace, puis des embryons de grêle. L’eau résiduelle qui reste liquide à des températures négatives est appelée «eau surfondue». À chaque fois qu’ils rencontrent de l’eau surfondue ou des cristaux de glace, les embryons de grêle grossissent. On parle de grêlon à partir d’un diamètre de 5 mm.

Plus un grêlon est maintenu longtemps en suspension, plus l’eau surfondue s’agglomère à sa surface et le fait grossir. Lorsqu’il devient trop lourd, le grêlon redescend (chiffes 2 à 3, fig. 2). En redescendant, le grêlon continue à grossir au contact des cristaux de glace, de l’eau surfondue et, plus bas dans le nuage, des gouttelettes d’eau. Si les courants ascendants sont assez puissants, le grêlon est une nouvelle fois projeté vers le haut et grossit jusqu’à ce que les courants ascendants ne puissent plus le retenir (chiffres 3 et 4, fig. 2). Ce processus peut se répéter plusieurs fois.

Les allers-retours à l’intérieur du nuage confèrent aux grêlons une structure en pelure d’oignon constituée de différentes couches bien visibles (voir fig. 3). Deux processus de croissance distincts sont à l’origine de ces couches. À des altitudes plus basses et donc plus chaudes, les grêlons rencontrent des gouttelettes d’eau et de l’eau surfondue qui enrobent le grêlon d’une fine couche liquide. Celle-ci gèle et forme une couche translucide. Dans les zones plus élevées du nuage où la température avoisine les -40°C, l’eau surfondue gèle en cristaux de glace qui s’accrochent directement au grêlon, ce qui produit des bulles d’air dans la glace et crée une couche de glace opaque

Lorsque les courants ascendants sont trop faibles pour maintenir les grêlons en suspension, ceux-ci tombent du nuage sur la surface de la terre (chiffres 6 à 7, fig. 2). Pendant leur chute, les grêlons commencent à fondre au contact de l’air plus chaud. Si un grêlon fond complètement avant d’atteindre le sol, il se transforme en une goutte de pluie. Sinon, il arrive au sol sous forme de grêlon.

À l’intérieur du nuage, les grêlons peuvent atteindre la grandeur d’un ballon de football. Puis, lorsqu’ils tombent, ils fondent et perdent jusqu’à la moitié de leur taille. En Suisse, des grêlons de taille extrême, mesurant jusqu’à 10 cm de diamètre, ont été recensés au cours des dernières décennies. Lors d’une tempête de grêle en 1917, les sources historiques parlent même de grêlons de 13 cm de diamètre. Le diamètre du plus gros grêlon jamais recensé dans le monde mesurait plus de 20 cm (severe-weather.eu, 2020).

Fig. 3: structure en couches d’un grêlon © Christiane Heuser / pixelio.de
Voir aussi:

Sources

Korosec, M. (2020). World’s largest hail record may be challenged by exceptionally large 20+ cm (8 inches) hailstones hit the capital of Libya on Tuesday, Oct 27th. In: Severe Weather Europe. URL: https://www.severe-weather.eu/global-weather/large-giant-hail-libya-mk/, consultée le 26.01.2023.

Lohmann, U., Lüönd, F., & Mahrt, F. (2016). An introduction to clouds: From the microscale to climate. Cambridge University Press.

Modules didactiques sur le thème de la grêle

Module 1 – Observation et mesure de la grêle

Le premier module porte sur différentes méthodes de mesure et d’observation de la grêle et présente les sources de données utilisées en Suisse (radar, capteurs automatiques de grêle, signalements de la population).

Module 2 – Occurrence des chutes de grêle en Suisse

Le deuxième module présente la climatologie de la grêle en Suisse. Celle-ci décrit la fréquence de la grêle selon les régions et les saisons ainsi que les répartitions granulométriques. En outre, les cartes sur le danger de grêle sont présentées selon les périodes de retour.

Module 3 – Risque de grêle et protection contre la grêle

Ce module traite des dommages causés par les épisodes de grêle et des mesures de protection possibles. Il explique également la notion de risque, composée de trois éléments: le potentiel de danger, le potentiel de dommages et la vulnérabilité.

Module 4 – Grêle, changement climatique et évolution des risques

Ce module aborde les modifications des événements de grêle auxquels il faut s’attendre dans un climat plus chaud. Il s’agit, d’une part, de mieux comprendre le phénomène de formation de la grêle et, d’autre part, de présenter les incertitudes qui en découlent. Le module traite ensuite la modification du risque de grêle en mettant l’accent sur l’évolution du potentiel de dommages.

Groupe cible et programme pédagogique

Les présents modules didactiques destinés au niveau secondaire II complètent des thèmes du programme de géographie:
  • Météorologie: formation d’orages et convection (page d’introduction, modules 1 et 4)
  • Dangers naturels (modules 2 et 3)
  • Risques de dangers naturels (modules 3 et 4)
  • Changement climatique (module 4)
  • Méthodes de présentation géographique, cartes thématiques (module 2)

Structure des modules et enseignement en classe

Les quatre modules didactiques peuvent être abordés en classe indépendamment les uns des autres. Certains contenus renvoient à des liens existants entre les modules. En principe, il faudrait commencer par approfondir la brève introduction sur la formation de la grêle avant de passer à d’autres modules.

La structure des modules est la suivante:

Introduction, questions et exercices

 

Brève introduction et passage direct aux questions et aux exercices

Proposition de solution

  • Proposition de solution sous forme de mots-clés
  • Raisonnement aboutissant à la proposition de solution

La proposition de solution succincte est présentée sous forme de mots-clés et accompagnée de liens vers des sources complémentaires. Le sous-chapitre «Raisonnement aboutissant à la proposition de solution» explique en détail les aspects importants du module et des questions.

Exercices complémentaires

Le deuxième exercice permet d’approfondir la matière et de mettre en application les connaissances acquises.

Proposition de solution exercices complémentaires

La proposition de solution succincte sous forme de mots-clés permet de vérifier les résultats et contient parfois des informations de fond complémentaires.

Informations complémentaires, sources

Éventuelles informations complémentaires sur le thème du module didactique qui vont au-delà des questions concrètes.
Mention des sources utilisées pour le module.

 
Terme Description
Potentiel de danger Indique la fréquence et l’intensité des dangers naturels susceptibles de frapper une région en particulier. Voir également l’explication détaillée dans le module 3
Grésil Le grésil se forme lorsque de l’eau surfondue gèle sur un flocon de neige (fondu). Bien qu’il ait l’apparence de la grêle, le grésil mesure, par définition, moins de 5 mm de diamètre et survient généralement en hiver. On peut distinguer entre des grains opaques et des grains translucides avec noyau opaque.
Grêle Précipitation constituée de billes ou d’agglomérats de glace d’un diamètre supérieur à 5 mm.
Épisode ou événement de grêle Occurrence de chutes de grêle qui se produit en l’espace d’un jour en Suisse.
Taille des grêlons La taille des grêlons correspond au diamètre d’un grêlon. Elle peut être mesurée à l’aide d’une règle ou définie en se référant à un objet usuel comme une pièce de monnaie. Pour estimer la taille des grêlons à l’aide de mesures radar, on utilise un algorithme de calcul (voir MESHS).
Jour de grêle Un jour au cours duquel il grêle en Suisse ou dans une région bien précise. Le rapprochement avec les données des mesures radar se base sur l’algorithme de calcul POH. Un jour de grêle en un point donné est défini comme un jour au cours duquel la valeur seuil de probabilité de grêle POH ≥ 80% est dépassée.
Zone de grêle La zone de grêle, ou couloir de grêle, désigne la trajectoire et la zone d’impact d’une seule cellule orageuse. L’algorithme de suivi des cellules orageuses de MétéoSuisse permet de détecter une zone de grêle.
Hydrométéore Ensemble des eaux liquides ou solides qui se trouvent dans l’atmosphère ou dans un nuage, par exemple gouttes de pluie, flocons de neige, grésil, grêlons, etc. Les hydrométéores peuvent rester en suspension dans l’air ou tomber, être soulevés de la surface de la terre par le vent ou se déposer sur des objets ou sur le sol.
Convection La convection désigne les courants verticaux: l’air chaud s’élève tandis que l’air plus froid alentour descend. Dans le cas des orages de chaleur, il y a convection lorsque le rayonnement solaire intense provoque une stratification potentiellement instable. Les masses d’air chaud et humide ascendantes déclenchent la convection, car les masses d’air chaud convergeant à basse altitude forcent l’air à s’élever.
LEHA Acronyme de «Largest Expected Hail on a reference Area» décrivant la taille maximale d’un grêlon à laquelle on peut s’attendre sur une zone de référence plus petite que le kilomètre carré considéré par MESHS. LEHA est une dérivation statistique de la taille des grêlons issue de la valeur MESHS. Le plus gros grêlon MESHS est attendu sur une ou quelques zones de référence LEHA à l’intérieur du kilomètre carré MESHS.  Toutefois, cette probabilité est très faible.  Des tailles LEHA sont attendues sur la majeure partie des petites zones de référence.  (MétéoSuisse, 2023)
MESHS L’algorithme MESHS (en anglais Maximum Expected Severe Hail Size) calcule la taille maximale d’un grêlon à laquelle on peut s’attendre sur une zone de 1 km2 (Treloar, 1998 et Joe et al., 2004).
POH L’algorithme POH (Probability of Hail) donne la probabilité de grêle au sol par 1 km2 (Waldvogel et al., 1979 et Foote et al., 2005). POH fournit des indications sur la probabilité de grêle au sol à un endroit donné.
Instabilité potentielle Également instabilité convective. Couche d’air chaud stable qui devient instable en s’élevant et déclenche ainsi la convection et la formation d’orages. En général lorsqu’il y a instabilité potentielle, l’air de la couche supérieure est relativement sec et celui de la couche inférieure relativement humide. Plus d’informations ici.
Radar Acronyme de «radio detection and ranging», soit détection et localisation radio. Appareil qui envoie des ondes électromagnétiques et mesure les rayons réfléchis. En météorologie, un radar permet de mesurer la taille et la distance d’hydrométéores (gouttes de pluie, neige, grêlons) ainsi que la vitesse du vent.
Réflectivité Dans la technologie radar, la réflectivité (Z) est la mesure de la puissance électromagnétique que les particules d’eau dans l’atmosphère renvoient au radar. Elle dépend de la taille et du nombre d’hydrométéores dans le nuage (gouttes de pluie, neige, grêlons). Généralement exprimée en dBZ (dB = décibels, Z = réflectivité), la réflectivité est une unité logarithmique.
Risque Le risque lié aux dangers naturels présente trois composantes: le potentiel de danger, le potentiel de dommages et la vulnérabilité. Il indique combien de personnes, d’animaux et de biens sont exposés à un danger et les montants potentiels des dommages.
Potentiel de dommages Indique l’étendue du dommage potentiel dans une zone précise, c’est-à-dire les biens à protéger exposés au potentiel de danger. Il peut s’agir de personnes, d’animaux et de biens matériels. Une distinction est faite entre les biens mobiliers et immobiliers à protéger. En ce qui concerne les biens mobiliers à protéger, tel que les véhicules, il est possible d’en réduire temporairement l’exposition et, par conséquent, le potentiel de dommages. Voir également l’explication détaillée dans le module 3.
Vulnérabilité Indique la vulnérabilité d’un objet ou des personnes aux dommages causés par un danger naturel. Appelée également fragilité. Voir également l’explication détaillée dans le module 3.
Principe de précaution Principe de la politique environnementale selon lequel il convient d’agir même en cas de prévisions peu claires ou incertaines pour l’avenir: en dépit des incertitudes, des mesures visant à éviter ou à limiter autant que possible toute atteinte à l’environnement ou à l’être humain doivent être prises.

Sources

Deutscher Wetterdienst (2022). Wetter- und Klimalexikon. URL: https://www.dwd.de/lexikon, Consulté le 23.01.2023

Foote GB, Krauss TW, & Makitov V. (2005). Hail metrics using convectional radar. In Proceedings of 16th Conference on Planned and Inadvertent Weather Modification, 10–13 January 2005. San Diego, CA: 1–6. American Meteorological Society: Boston.

Joe P, Burgess D, Potts R, Keenan T, Stumpf G, & Treloar A. (2004). The S2K severe weather detection algorithms and their performance. Weather and Forecasting 19: 43–63.

MétéoSuisse (2023). Climatologie de la grêle. Glossaire – définitions autour du thème de la grêle. URL: https://www.meteosuisse.admin.ch/climat/climat-de-la-suisse/climatologie-de-la-grele.html, Consulté le 23.01.2023

Treloar ABA. (1998). Vertically integrated radar reflectivity as an indicator of hail size in the Greater Sydney region of Australia. In Proceedings of 19th Conference on Severe Local Storms, 14–18 September 1998. Minneapolis, MN: 48–51. American Meteorological Society: Boston.

Waldvogel, A., Federer, B., & Grimm, P. (1979). Criteria for the detection of hail cells. Journal of Applied Meteorology and Climatology, 18(12), 1521-1525.

Les modules didactiques sur la grêle ont été élaborés par le Laboratoire Mobilière de recherche sur les risques naturels de l’Université de Berne. Des expertes et experts ont suivi le projet sur les plans didactique et technique.

Autrice et auteur:
Tamara Baumann, Laboratoire Mobilière de recherche sur les risques naturels, Université de Berne
Matthias Probst, Institut de Géographie, Université de Berne; Haute école pédagogique de Berne; gymnase de Berthoud/BE

Responsable de projet:
Tamara Baumann, Laboratoire Mobilière de recherche sur les risques naturels, Université de Berne

Gestion de projet:
Prof. Olivia Romppainen-Martius, Laboratoire Mobilière de recherche sur les risques naturels et Institut de Géographie, Université de Berne
Rouven Sturny, Laboratoire Mobilière de recherche sur les risques naturels, Université de Berne

Groupe d’accompagnement:
Cornelia Schwierz, Office fédéral de météorologie et de climatologie MétéoSuisse
Benno Staub, Association des établissements cantonaux d’assurance AECA
Prof. Olivia Romppainen-Martius, Laboratoire Mobilière de recherche sur les risques naturels et Institut de Géographie, Université de Berne

Contact:
Université de Berne
Institut de géographie, Laboratoire Mobilière
Hallerstrasse 12
CH-3012 Berne
Tél.: +41 31 684 88 39
E-mail: mobiliarlab.oeschger@unibe.ch